Analyses

L’indemnisation des intermittents du spectacle par l’Assurance chômage

Ils travaillent dans le monde du spectacle, souvent pour des missions de courte durée. Ce sont les intermittents du spectacle. Leurs métiers étant très spécifiques, le régime d’assurance chômage comprend une annexe 8 pour les ouvriers et techniciens, et une annexe 10 pour les artistes. Comment est né ce régime spécifique d’indemnisation ? Comment les intermittents sont-ils indemnisés ? Quel a été l’impact de la crise sanitaire ?

Unédic

Adrien Calas

24 janvier 2022

Qu'est-ce qu'un intermittent du spectacle ?

Les intermittents du spectacle sont des artistes, ouvriers ou techniciens du spectacle qui sont embauchés en contrat de travail à durée déterminée (CDD) ou en contrat de travail à durée déterminée d'usage (CDDU).

Historique de ce régime spécifique d'indemnisation

Pour tenir compte des spécificités des métiers du spectacle, qui proposent souvent des missions de courte durée, le régime salarié intermittent a d'abord été créé en 1936 pour les techniciens et cadres du cinéma. Ce régime proposait déjà d'indemniser les salariés intermittents durant les périodes d'intercontrats.

Dans les années 1960, deux annexes à la règlementation d'assurance chômage sont créées pour fixer les règles d'indemnisation des intermittents du spectacle :

  • l'annexe 8, créée en 1964, pour les ouvriers et techniciens du spectacle ;
  • l'annexe 10, créée en 1967, pour les artistes du spectacle.

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Le nombre d'intermittents concernés par ce régime

En 2019, 280 000 salariés sont considérés comme des intermittents du spectacle et parmi eux 100 000 ont été indemnisés au cours de l'année.

L'indemnisation des intermittents du spectacle : comment ça marche ?

Pour bénéficier d'une indemnisation par l'Assurance chômage, les intermittents du spectacle doivent justifier d'au moins 507 heures de travail dans les métiers du spectacle durant les 12 mois précédant leur dernière fin de contrat.

Cette dernière date de fin de contrat de travail va aussi servir de référence pour définir la « date anniversaire » du droit, c'est-à-dire la date de fin de droit. Ainsi un intermittent qui peut justifier de 507 heures durant l'année qui précède sa dernière fin de contrat sera indemnisé pendant 12 mois à compter de cette date.

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Ouvrir un droit ne signifie pas automatiquement être indemnisé. Dans les faits, la majorité des intermittents du spectacle travaillent chaque mois. Ils cumulent alors revenus et une partie de leur allocation. Ainsi, au cours d'une année normale (hors période de crise), 95 % des allocataires intermittents cumulent salaires et indemnisation. Les allocations chômage représentent en moyenne 42% de leur revenus perçus (salaire + indemnisation).

A noter qu'au-delà d'un plafond de revenu mensuel (4045,04€ en 2021), aucune allocation ne peut leur être versée.

Calcul et modalités de versement de l'allocation

La formule de calcul de l'allocation journalière des intermittents du spectacle est différente de celle du régime général. Elle dépend notamment du salaire de référence, du nombre d'heures travaillées et de l'annexe.

L'allocation journalière ne peut être inférieure à un montant plancher :

  • 38€ pour l'annexe 8 (ouvriers et techniciens du spectacle)
  • 44€ pour l'annexe 10 (artistes du spectacle)

Pour déterminer le nombre de jours indemnisables et ainsi le montant de l'indemnisation mensuelle, on multiplie le montant de l'allocation journalière (AJ) par le nombre de jours non travaillés.

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Les allocations sont versées à l'issue :

  • d'un délai d'attente de 7 jours ;
  • d'un délai d'attente d'indemnisation spécifique dont la durée varie en fonction du montant des indemnités versées à la fin du dernier contrat de travail ;
  • d'une franchise de congés payés qui correspond au nombre de jours de congés payés acquis durant la période de référence, cette franchise ne pouvant pas dépasser 30 jours ;
  • d'une franchise de salaire établie en fonction du montant des salaires perçus au cours de l'affiliation.

Quelle indemnisation pour les intermittents du spectacle en 2020 ?

Le secteur du spectacle fait partie de ceux qui ont connu des restrictions d'activité liées à la crise sanitaire. En 2020, l'activité du spectacle a baissé de près de 30 %, occasionnant des baisses de salaires pour une grande partie des intermittents.

Fin 2020, 120 000 allocataires étaient indemnisés au titre des annexes 8 et 10 : environ la moitié (58 000) relevait de l'annexe 8 (ouvriers et techniciens du spectacle) et l'autre moitié (62 000) de l'annexe 10 (artistes du spectacle).

En raison de la baisse d'activité, le nombre de jours indemnisés a augmenté. La part de jours indemnisé depuis l'ouverture de droit est passée, entre 2019 et 2020, de 67 % à 82 % pour les allocataires de l'annexe 8 et de 53% à 71 % pour ceux relevant de l'annexe 10.

Part de jours indemnisés depuis l'ouverture de droit

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Conséquence directe, l'indemnisation mensuelle moyenne était de 1 330€ pour les allocataires de l'annexe 8 (contre 1 090 € en 2019) et 1 370 € pour les allocataires de l'annexe 10 (contre 1 190 € en 2019).

Indemnisation mensuelle versée moyenne brute en €

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La part que prend l'indemnisation dans le revenu perçu représentait en 2020 49 % des revenus des annexes 8 et 69% des revenus des annexes 10 contre respectivement 34 % et 53 % en 2019.

Part de l'indemnisation dans le revenu perçu

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Les effets de l'année blanche et de l'aménagement des conditions de réadmission

Pour faire face à la baisse d'activité dans le secteur du spectacle due à la crise sanitaire, une mesure dite « d'année blanche » et des conditions de réadmissions aménagées ont été mises en œuvre.

Concrètement, la mesure d'année blanche a permis de prolonger jusqu'au 31 décembre 2021 l'indemnisation de l'ensemble des allocataires intermittents du spectacle, dont la fin de droit est intervenue entre le 1er mars 2020 et le 3 décembre 2021, qu'ils justifient ou non des conditions permettant une nouvelle réadmission.

A fin octobre 2021, 3 bénéficiaires de la mesure sur 4 avaient déjà réunis les 507 heures leur permettant d'être réadmis en tant qu'allocataire à l'issue de l'année blanche. Et parmi eux, 37 000 allocataires ont déjà été réadmis avant la fin de l'année blanche.

Des dépenses d'indemnisation en hausse lors de l'année blanche pour amortir le choc de la crise

Entre 2006 et 2019, les dépenses d'indemnisation liées aux intermittents du spectacle sont restées relativement stables (de 1,2 Md€ en 2006 à 1,4 Md€ en 2019).

En 2020, du fait de la crise sanitaire et de la mesure d'année blanche, les dépenses ont augmenté à hauteur de 1,9 Md€ pour 300 M€ de recettes, ce qui correspond à un ratio (dépenses divisées par recettes) de 6,2.

Dépenses d'indemnisation et recettes au titre des annexes 8 et 10

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Avant la crise sanitaire, ce ratio diminuait depuis 2013, il était de 3,6 en 2019 (1,4 Md€ de dépenses et 400 M€ de recettes).

Ratio entre depenses d'indemnisation et recettes au titre des annexes 8 et 10

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