Analyses

Activité partielle : état des lieux et perspectives

Deux ans après le début de la crise de la Covid-19, l’Unédic fait l’état des lieux du dispositif d’activité partielle mis en place pour répondre au défi posé par ce choc sans précédent. Entrée de plain-pied dans la vie économique française, l’activité partielle pourrait à l’avenir demeurer un levier important de soutien à l’emploi.

Unédic

Oana Calavrezo

28 février 2022

Jamais dans l’histoire économique de la France un si grand nombre de salariés n’avaient été placés en activité partielle (appelée également chômage partiel). Entre mars 2020 et décembre 2021, 11,3 millions d’entre eux ont connu au moins une heure d’activité partielle, soit près de six salariés du secteur privé sur dix. L’Unédic, qui a contribué au financement de ce dispositif à hauteur d’un tiers des montants engagés, publie «Activité partielle : état des lieux et perspectives», deux ans après le choc économique inédit causé par la crise de la Covid-19.

Durant ces deux années, le recours à l’activité partielle a fortement évolué de mois en mois, en lien étroit avec la situation sanitaire (confinements, couvre-feu…) et la croissance du PIB. Un pic a été atteint en avril 2020, au plus fort de la crise, avec 8,4 millions de salariés placés en activité partielle. Cette réponse massive a nécessité une mobilisation financière hors du commun, avec un coût très conséquent pour le régime de 14,4 Md€ en 2020-2021. Cela représente plus de la moitié du déficit de l’Assurance chômage pour cette période.

«Le dispositif d’activité partielle a été conçu bien avant la crise par les partenaires sociaux. En quelques jours au printemps 2020, il a complètement changé d’échelle : construit historiquement pour l’industrie et dimensionné pour quelques dizaines de millions d’euros, il s’est montré utile et efficace pour couvrir un champ plus interprofessionnel, représentant 1 milliard d’euros par semaine lors du premier confinement», rappelle Eric Le Jaouen, président de l’Unédic de janvier 2020 à janvier 2022, dans son rapport moral publié fin janvier.

<

L’activité partielle a permis de soutenir l’ensemble du tissu économique français en protégeant les parcours professionnels et les revenus des salariés, tout en aidant efficacement les entreprises grâce à la baisse des coûts salariaux qu’elle entraîne. La comparaison avec d’autres économies est éclairante. Aux Etats-Unis, par exemple, le choc initial au printemps 2020 a causé la destruction de 14,6% de l’emploi salarié, contre 0,9% en France selon une analyse de l’OFCE, qui pointe notamment le rôle du chômage partiel. A l’issue de l’année 2020, l’économie présentait une baisse de PIB de 8% par rapport au niveau d’avant crise alors que l’emploi salarié privé affichait une réduction de seulement 1,8%.

Une aide substantielle, en particulier aux salariés proches du Smic

Rapide à mettre en œuvre, l’activité partielle a apporté une aide financière directe aux acteurs économiques les plus touchés par la crise. Les petites entreprises et celles des secteurs les plus fortement percutés par les restrictions sanitaires ont été ainsi les premières utilisatrices du dispositif. En effet, 50% des heures d’activité partielle ont été chômées dans des établissements de moins de 20 salariés, qui emploient un peu plus d’un tiers de l’ensemble des salariés du privé.

Côté salariés, contrairement à la période d’avant crise, durant laquelle il était très orienté sur les ouvriers de l’industrie, le dispositif s’est largement répandu en 2020. Sans la forte mobilisation du télétravail, le recours à l'activité partielle aurait été encore plus massif. Elle a été déployée pour les salariés de tout âge et de toute catégorie sociale et socio-professionnelle. Les trajectoires des salariés dans ce dispositif d’activité partielle ont été très variées. Ainsi, 45% d’entre eux ne l’ont connue que durant le premier confinement. Tous les secteurs n’ont pas été touchés de la même manière. Le secteur de l’hébergement-restauration, fortement impacté, a concentré 27% des heures d’activité partielle indemnisées entre mars 2020 et décembre 2021, alors qu’il ne rassemble que 6% des salariés du secteur privé. Les salariés de l’hébergement-restauration et du secteur des autres activités de services (dont les activités sportives, associations, arts et spectacles) ont en outre connu les plus longues périodes en activité partielle.

L’activité partielle a en particulier apporté une aide substantielle aux salariés proches du Smic qui ont, grâce au plancher d’indemnisation, subi une faible perte de rémunération. Reste un enjeu important autour de la formation, qui est faiblement utilisée lors des périodes d’activité partielle alors qu’elle peut permettre aux entreprises de faire rebondir plus vite leur activité en sortie de crise et aux salariés d’augmenter leur employabilité si leur travail se trouvait à terme menacé.

Des dépenses qui restent conséquentes

En ce début d’année 2022, si les dépenses d’activité partielle sont en très forte diminution pour l’Etat et l’Unédic, elles restent encore conséquentes : plus de 10 fois plus élevées fin 2021 qu’avant crise. De plus, on ne peut écarter encore le risque d’une nouvelle vague épidémique, ce qui ferait croître à nouveau le recours au dispositif et pèserait sur les finances du régime. Il est par ailleurs probable que, dans les années à venir, en cas de nouvelle crise –sanitaire, économique, géopolitique ou écologique– l’activité partielle sera à nouveau l’un des principaux outils mobilisables. Dans ce contexte, le devenir du dispositif, de son mode de pilotage et de son financement restent des questions en suspens.

Afin de répondre à cet enjeu de taille, il est nécessaire d’évaluer le dispositif mis en place sur les deux années de crise. De nombreux indicateurs montrent qu’à court terme, l’activité partielle et l’ensemble des mesures d’urgence ont permis de limiter les destructions d’emploi au sein des entreprises (peu de ruptures de contrat ont été enregistrées sur 2020 et 2021 par rapport à ce qui était attendu). Reste cependant à savoir quel rôle a joué l’activité partielle dans l’ensemble des mesures d’urgence, si le dispositif était bien dimensionné, c’est-à-dire si le niveau de prise en charge proposé en 2020-2021 était adapté aux besoins réels des entreprises et de l’ensemble de l’économie, et s’il portera ses fruits sur le long terme. L’évaluation de l’efficacité coût/bénéfice est complexe et n’en est qu’à ses débuts. Elle questionne en parallèle le degré de prise en charge du dispositif et son ciblage.

A lire également : Covid-19 : les différents systèmes d'indemnisation du chômage partiel en Europe