Analyses

Comment s'articulent chômage, prime d'activité et RSA ?

Volet 3. Cette publication est le dernier volet de la série d’études que l’Unédic consacre à l’articulation entre Assurance chômage et solidarité. Elle apporte des éléments de réponse à partir de plusieurs cas-types. 

Unédic

Maxime Le Bihan, Emilie Daudey et Thomas Vroylandt

15 mars 2024

La protection sociale française comprend deux systèmes qui fonctionnent côte-à-côte, avec des logiques différentes : d’une part, les minima et prestations sociales, telles que l’Allocation de solidarité spécifique (ASS), le Revenu de solidarité active (RSA) ou l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) ; d’autre part, l’Assurance chômage, qui verse une allocation d’Aide au retour à l’emploi (ARE). L’Assurance chômage et la solidarité nationale ne sont ni financées ni pilotées par les mêmes acteurs : contrairement aux minima et prestations sociales qui procèdent de la loi et dépendent de l’Etat, des organismes de sécurité sociale et des départements, l’Assurance chômage est gérée par l’Unédic, association paritaire. 

Comment sont imbriqués barèmes de prestations sociales et règles d’assurance chômage ? Existe-t-il toujours un gain à retravailler ? Quel montant de prestation sociale peut percevoir une personne prise en charge par l’Assurance chômage ? 

Cette publication est le 3e volet de la série d’études que l’Unédic consacre à l’articulation entre Assurance chômage et solidarité. Elle apporte des éléments de réponse à partir de plusieurs cas-types. 

A lire : Assurance chômage et minima sociaux : panorama des dispositifs (volet 1)

A lire : Les allocataires de l’Assurance chômage perçoivent-ils des minima sociaux ? (volet 2)

La prime d’activité et le RSA sont versés en complément de ce qui est dû au titre du chômage

La prime d’activité, le Revenu de solidarité active (RSA), et l’Allocation de solidarité spécifique (ASS) sont les principales prestations d’insertion, liées aux conditions d’emploi. Ces prestations sont mécaniquement liées car le montant du RSA, de la prime d’activité ou encore de l’ASS dépendent des revenus du foyer, y compris les allocations chômage.

La prime d’activité et le RSA peuvent être versés en même temps que l’ARE. L’ASS, quant à elle, est versée à des personnes qui ont épuisé leur droit au titre de l’ARE.

En 2022, l’Assurance chômage a indemnisé en moyenne 515 000 personnes qui ont également bénéficié de la prime d’activité et 102 000 qui ont également perçu le RSA : ces 617 000 personnes représentaient 17 % de l’ensemble des personnes prises en charge par l’Assurance chômage.

Lorsqu’une personne répond aux conditions d’éligibilité du RSA et/ou de la prime d’activité et qu’elle fait la démarche de recourir à ces prestations, le montant qu’elle perçoit au titre de l’assurance chômage (ARE) est déduit du montant de ces deux dispositifs. C’est ce que l’on désigne sous le nom de prestation différentielle. Par conséquent, toute modification des règles concernant l’indemnisation chômage joue mécaniquement sur le montant versé de RSA et de prime d’activité. 

Gain à retravailler : chaque euro de salaire repris augmente le revenu global…

Pour comprendre les différentes articulations possibles entre allocation chômage, RSA et prime d’activité, différents cas-types sont présentés sur les graphiques 1 à 6.

Arrêtons-nous tout d’abord sur le cas d’un célibataire sans enfant (Graphiques 1 à 3) :

  • Si cette personne n’est pas à l’Assurance chômage (Graphique 1) et n’a pas de revenu d’activité, elle perçoit alors le RSA socle maximal (598 € en mars 2023) (triangle orange sur le graphique). Lorsqu’elle travaille, elle perçoit un montant moindre de RSA : chaque euro de salaire repris diminue du même montant le RSA. Par ailleurs, elle commence à percevoir la prime d’activité (partie mauve sur le graphique). Celle-ci s’arrête lorsque son salaire atteint 1930 €.
  • Si une personne a travaillé et qu’elle est devenue allocataire de l’Assurance chômage (Graphique 2) pour un montant supérieur au montant du RSA (exemple : 1000 € mensuels) : elle perçoit l’ARE en priorité sur le RSA et la prime d’activité. On voit ainsi sur le graphique 2 que le triangle rouge qui représente la prestation chômage recouvre entièrement le RSA (partie orangée) et partiellement la prime d’activité (partie mauve). Comme le montant d’ARE diminue avec le salaire repris, passé un certain montant de salaire repris, cet individu ne percevra plus d’ARE, mais uniquement la prime d’activité jusqu’au seuil de 1930 €.
  • Si une personne perçoit un montant d’ARE faible parce qu’elle a travaillé à temps partiel et/ou de manière très discontinue avant d’ouvrir son droit chômage, elle peut alors cumuler RSA, ARE et prime d’activité (Graphique 3). Ce cas est assez rare : moins de 2% des allocataires sont concernés.

Ainsi, lorsqu’une personne reprend un emploi, qu’elle soit ou non à l’Assurance chômage, son revenu total progresse, quel que soit le montant du salaire repris. Il existe donc bien toujours un gain à retravailler dans le cas où la personne recourt à l’ensemble des prestations auxquelles elle a droit.

… mais ce gain dépend de la situation familiale et du revenu du foyer

Cependant, le cumul des allocations et prestations dépend de la composition et des revenus de l’ensemble du foyer, comme le montrent les 3 cas-types illustrés dans les graphiques 4 à 6 :

  • Dans le cas d’une personne en couple avec deux adultes à l’ARE, percevant chacun 1 000 € d’indemnisation, (Graphique 4), ni le RSA, ni la prime d’activité ne seront versés en cas de reprise d’emploi du fait du montant de l’indemnisation chômage versée au couple.
  • A l’inverse, dans le cas d’une personne seule élevant 3 enfants à charge (Graphique 5), les barèmes du RSA et de la prime d’activité lui permettent de compléter son revenu jusqu’à un salaire repris de 1 300€. Si elle reprend un salaire plus élevé, seule la prime d’activité sera versée.
  • Enfin, si dans un couple, le conjoint du demandeur d’emploi travaille (Graphique 6), seule l’allocation chômage sera versée au demandeur d’emploi, dans la limite de son ancien salaire. Le RSA n’est pas versé au foyer. La prime d’activité est versée mais pour de très faibles montants et pour des salaires repris entre 1 000 € et 1 700 €.

Une quantification de ces différents cas-types nécessitera des travaux d’approfondissement et l’exploitation de nouvelles données (Encadré 1).

  • Encadré 1 - La quantification des effets : des travaux à venir

    Combien de personnes voient leur indemnisation chômage augmentée par les prestations sociales ? Il est malheureusement difficile de répondre à cette question faute d’accès aux données adéquates. Selon la dernière enquête de l’Insee sur l’emploi et les revenus fiscaux et sociaux (ERFS 2019), les ménages d’une seule personne représentent environ 17 % des personnes indemnisées par l’Assurance chômage tandis que les couples avec enfants représentent près de la moitié des personnes à l’Assurance chômage (Graphique 7). Ces données ne permettent cependant pas de qualifier le revenu du conjoint et donc d’aller plus loin dans la quantification des situations présentées. Ces travaux devraient néanmoins pouvoir être approfondis avec l’exploitation de la base de données Midas.

L’effet des dernières réformes d’Assurance chômage sur les prestations et minima sociaux

Lorsque la réglementation d’Assurance chômage change le montant de l’allocation, cela modifie forcément, par effets de vases communicants, les montants versés de RSA et de prime d’activité. Comme le montrent les cas-types présentés précédemment, le revenu de l’allocataire peut alors être maintenu dans certains cas (ex : célibataires avec enfants) mais pas dans tous (ex : couple avec conjoint qui travaille).

L’analyse quantitative précise de ces effets nécessite des travaux d’évaluation (afin de pouvoir distinguer les effets propres aux réformes des effets conjoncturels) qui s’inscrivent dans un temps long. Il est cependant possible d’ores et déjà de les qualifier brièvement.

  • La réforme 2021 de la formule de calcul augmente la durée des droits au chômage et réduit le montant versé en ARE pour les personnes aux parcours discontinus :
    • Une allocation journalière plus basse devrait entrainer une hausse du nombre de personnes éligibles et les montants versés au RSA et à la prime d’activité.
    • Une durée des droits plus longue devrait entrainer un retardement des bascules vers l’ASS.
  • En raccourcissant la durée des droits au chômage de 25 % en période de conjoncture favorable, la réforme 2023 (dite d’adaptation à la conjoncture) devrait au contraire conduire à des bascules vers l’ASS plus précoces.