Analyses

Les allocataires de l’Assurance chômage perçoivent-ils des minima sociaux ?

Volet 2. Cette publication s'inscrit dans une série d’études que l’Unédic consacre à l’articulation entre Assurance chômage et solidarité. Elle permet de répondre à ces différentes questions en offrant un aperçu de la combinaison des dispositifs d’ARE, de l’allocation de solidarité spécifique, de la prime d’activité et du RSA.

Unédic

Maxime Le Bihan et Emilie Daudey

7 mars 2024

Combien d’allocataires de l’Assurance chômage perçoivent l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) et la prime d’activité ? Peuvent-ils percevoir également le revenu de solidarité active ? Qu’est-ce qui caractérise les personnes qui cumulent plusieurs prestations ? 

Cette publication est le 2ème volet d’une série d’études que l’Unédic consacre à l’articulation entre Assurance chômage et solidarité. Elle permet de répondre à ces différentes questions en offrant un aperçu de la combinaison des dispositifs d’ARE, de l’allocation de solidarité spécifique, de la prime d’activité et du RSA.

A lire : Assurance chômage et minima sociaux : panorama des dispositifs (volet 1)

A lire : Comment s'articulent chômage, prime d'activité et RSA ? (volet 3)

Les prestations sociales et minima sociaux en lien avec l’emploi 

La protection sociale française comprend deux systèmes qui fonctionnent côte-à-côte, avec des logiques différentes : d’une part, les minima et prestations sociales, telles que l’allocation de solidarité spécifique, le revenu de solidarité active ou l’allocation aux adultes handicapés ; d’autre part, l’Assurance chômage, qui verse principalement une allocation d’aide au retour à l’emploi. L’Assurance chômage et la solidarité nationale ne sont ni financées ni pilotées par les mêmes acteurs : contrairement aux minima et prestations sociales qui procèdent de la loi et dépendent de l’État, des organismes de sécurité sociale et des départements, l’Assurance chômage est gérée par l’Unédic, association paritaire. 

A l’instar des allocations chômage, l’allocation de solidarité spécifique (ASS), la prime d’activité (PA) et le revenu de solidarité active (RSA) ont des liens avec la privation ou la reprise d’emploi.

  • Le versement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) (financée par l’Unédic) est conditionné au passé professionnel. Pour inciter au retour à l’emploi, si l’allocataire retravaille, il bénéficiera d’une partie de son allocation de chômage dans la limite du plafond de son ancien salaire. L’ARE indemnisait 2,4 millions de personnes à mi-2023.
  • La prime d’activité (financée par l’État) est versée aux actifs des ménages occupant des emplois peu rémunérés. Elle a un rôle d’incitation à l’activité en intervenant comme une subvention aux bas salaires pour un ménage. La prime d’activité était versée à 4,7 millions de foyers à mi-2023.
  • Le RSA (financé par les départements) est attribué aux ménages ne disposant pas ou très peu de revenu d’activité. Le RSA était versé à 1,8 million de foyers, soit 2,4 millions de bénéficiaires à mi-2023.
  • L’ASS (financée par l’État) est versée aux personnes ayant épuisé leurs droits à l’ARE. On ne peut par conséquent pas bénéficier simultanément de l’ARE et de l’ASS. Elle est attribuée sous conditions de ressources aux personnes justifiant de 5 années d’activité salariée dans les 10 années précédentes. L’ASS n’est cumulable avec les revenus d’activité que durant 3 mois. Au-delà, si l’activité se poursuit, le cumul n’est plus possible. L’ASS était versée à 300 000 personnes à mi-2023.

 

RSA et prime d’activité peuvent être versées simultanément à l’ARE (au contraire de l’ASS, qui ne peut être versée qu’aux personnes ayant épuisé leur ARE) mais seulement en complément du montant versé par l’Assurance chômage. Les situations administratives des bénéficiaires de ces prestations au regard de l’emploi différent cependant.

17 % des allocataires de l’Assurance chômage bénéficient de la prime d’activité ou du RSA

Pour qu’une personne qui perd son emploi bénéficie du chômage ainsi que des prestations sociales ou minima sociaux, plusieurs conditions doivent être remplies : tout d’abord, les personnes doivent en faire la demande. Or sur ces dispositifs, nous savons que le non-recours peut être important. Il faut aussi qu’elles perçoivent une allocation chômage inférieure au montant de ces prestations (ARE + prime d’activité). Elles doivent également répondre aux critères de ressources du foyer qui permettent d’en bénéficier. Et concernant la prime d’activité, avoir une activité salariée rémunérée.

Ainsi, parmi les personnes prises en charge par l’Assurance chômage (3,6 millions de personnes en 2022), environ 620 000, soit 17 % des allocataires, percevaient la prime d’activité et/ou le RSA en 2022 (Graphique 1 et Tableau 1). Elles sont assez nombreuses (515 000) à bénéficier de la prime d’activité en complément de l’ARE et de leur salaire repris. A l’inverse, elles sont relativement peu nombreuses (102 000) à percevoir RSA et ARE : en effet, le RSA n’est versé que si son montant est inférieur à l’ARE, ce qui est assez rarement le cas en 2022.

On note que 5 % des allocataires ne bénéficient pas du RSA alors qu’ils ont un revenu individuel inférieur au RSA socle. Ce cas recouvre certainement des situations diverses : des personnes qui ne sont pas éligibles du fait de leur âge ou du revenu de leur foyer ou d’autres qui n’y recourent pas pour d’autres raisons.

Les 515 000 allocataires de l’Assurance chômage qui bénéficient de la prime d’activité travaillent et ont des allocations faibles

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Près de la moitié des allocataires de l’Assurance chômage travaillent une partie du mois. L’Unédic leur verse alors une indemnisation partielle tant que l’emploi repris apporte des rémunérations inférieures à ce qu’ils touchaient dans leur précédent poste. Cette population d’allocataires qui travaillent peut également prétendre à la prime d’activité, sous certaines conditions relatives au montant du salaire repris et aux ressources du foyer. C’est pourquoi 515 000 allocataires de l’Assurance chômage bénéficient de la prime d’activité, soit 14 % des allocataires.

Par rapport à l’ensemble de ceux qui travaillent et sont indemnisés, les allocataires qui bénéficient de la prime d’activité ont un revenu mensuel en moyenne plus faible (1 255 € vs. 1 570 € pour l’ensemble des allocataires qui travaillent).

Ces personnes prises en charge par l’Assurance chômage et qui bénéficient de la prime d’activité comptent davantage de femmes (58 % vs 51 % pour l’ensemble des allocataires), plus de jeunes de moins de 25 ans (16 % vs. 11 %) et moins de seniors de plus de 55 ans (8 % vs. 15 %), et plus de personnes en fin de CDD ou contrat d’intérim (63 % vs. 48 %). Elles ont par conséquent une allocation journalière moyenne plus faible que le reste des allocataires de l’Assurance chômage (29 € vs. 38 €).

Les 102 000 allocataires de l’Assurance chômage au RSA ont des allocations plus faibles

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Près de 102 000 personnes prises en charge par l’Assurance chômage bénéficient également du RSA, soit 2 % des allocataires. Elles sont éligibles au RSA parce qu’elles vivent dans un foyer avec peu de ressources et ont une allocation faible en montant. En moyenne, leur allocation journalière nette est de 23 €, soit 700 € mensuels alors qu’elle atteint presque 38 € (1 150 € mensuels) pour l’ensemble des allocataires.

Si cette population revêt des traits similaires à celle percevant la prime d’activité (plus de femmes, 56 %, plus de fins de contrats limités, CDD et intérim, 61 %), elle se distingue sur la question de l’âge. En effet, du fait de la réglementation relative au RSA, seuls 5 % des bénéficiaires du RSA et de l’ARE ont moins de 25 ans (vs. 11 % parmi l’ensemble des allocataires).

La moitié des inscrits à France Travail (ex Pôle emploi) non pris en charge par l’Assurance chômage sont soit au RSA, soit à l’ASS ou bénéficient de la prime d’activité

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Les bénéficiaires de l’ASS sont plus âgés (38 % ont 55 ans ou plus) du fait des critères d’exercice professionnel passés de l’allocation et travaillent rarement (après 3 mois de travail, il y a interruption de l’allocation). Ils sont en situation de chômage durable : 68 % sont au chômage de longue durée et le plus souvent, ils ont bénéficié d’un droit long au chômage avant de basculer vers l’ASS.

Les bénéficiaires de la prime d’activité et du RSA, qu’ils soient pris en charge par l’Assurance chômage ou non, ont un profil globalement similaire. On peut toutefois noter que les personnes au RSA non allocataires sont moins souvent des femmes (50 % vs. 56 %). Par ailleurs, les bénéficiaires de la prime d’activité et/ou du RSA non allocataires sont plus souvent en situation de chômage de longue durée (13 % et 58 % vs. 2 % et 11 % parmi les indemnisés).  Cela laisse suggérer qu’une part possiblement importante d’entre eux ont été à l’Assurance chômage auparavant.

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L’autre moitié des inscrits à France Travail ne bénéficie ni de la prime d’activité ni du RSA. Ce groupe recouvre une population que l’on suppose assez hétérogène et pour laquelle on dispose de peu d’informations : une part d’entre eux est probablement couverte par d’autres dispositifs (type AAH), une autre n’est peut-être pas éligible aux minima sociaux comme le RSA ou l’ASS (exemples : jeunes de moins de 25 ans, ceux dont le revenu du foyer dépasse les seuils), une troisième n’a pas recouru à ses droits bien qu’éligible (non-recours). Enfin, une dernière peut être en convention de gestion et donc non indemnisée directement par l’Assurance chômage (6 % d’entre eux).

Certaines prestations sont perçues ponctuellement (prime d’activité, et ARE) tandis que le RSA et l’ASS sont perçues sur des durées bien plus longues

A partir des données du FNA mobilisées ici, il est possible d’observer la persistance de ces situations dans le temps.

Si le versement de l’ARE est limité dans le temps car l’individu qui entre au chômage se voit attribuer une certaine durée de droits en fonction de son passé professionnel, les prestations sociales et minima ne le sont pas. L’ASS et RSA sont plus persistants dans le temps que l’ARE : 64 % des bénéficiaires de l’ASS une année le sont encore l’année suivante, 53% pour le RSA, alors qu’à l’Assurance chômage, ce taux est de 51 %. Le taux de persistance tombe à 33% pour la prime d’activité (Graphique 2 et Tableau 2).